Le temps
Illustration gracieusement prêtée par : DOBRITZ
Je me promène. J’ai un rendez-vous. Comme je suis arrivée trop tôt, je traîne d’ici, de là… la cité est grande. Bien plus grande que je ne me l’étais imaginé. Ce sont des tours. Aveugles. La médiathèque se trouve au milieu. Grise et laide. J’ai un entretien important à 14 heures. Il est 13 heures. Je marche d’un trottoir à l’autre, de temps en temps, le nez au ciel, je cherche à deviner mon avenir.
Il n'y a pas grand monde ici. Un passant croise ma route. Je lui demande l’heure. Acte manqué ou insensé, j’ai oublié ma montre, là-bas, dans la grande ville sur une table abandonnée. Le temps passe lentement. Je tombe sur une nouvelle personne.
Quinze minutes encore. Quelques nuages se déplacent, deux fils blancs pâlissent au ciel.
Il doit être l’heure maintenant. Je m’oriente vers mon point de rendez-vous. Pour me rassurer, une dernière fois, j’aborde une petite vieille qui affronte à petits pas, le cou tendu vers le bitume, sa vie qui se faufile.
- Pardon, madame, pourriez-vous m’indiquer l’heure ?
Je me penche en avant.
- Regardez, me répond-elle gracieusement en me présentant son poignet étroit. Je ne vois plus très bien.
Je suis étonnée. La montre marque17 h 30.
Me voulant rassurante je lui dis que non, cela ne devrait pas être la bonne heure, ça, 17 h 30.. Parce que j’aivais un rendez-vous à 14 heures moi.. me comprenait-elle ?…
- Vous êtes sûre ? me demande-t-elle déstabilisée… Mais si...il doit bien être 17 h 30, parce que j’ai rendez-vous à 18 heures !
Mes épaules s’affaissent. Mon menton pointe dangereusement vers le bas. Je cherche une silhouette qui m’aiderait à redresser cette femme.
Mon horloge interne m’informe que je ne peux rien faire. Je dois me dépêcher. Elle devra se débrouiller toute seule.
Dans un salut encourageant, je lui dis simplement de poursuivre son chemin et de trouver rapidement une personne aimable qui lui remettra sa montre à l’heure.
Depuis quand ne l’était-elle pas ?
J’ai voulu mettre de la distance entre elle et moi, alors tout en m’éloignant à grands pas, j’ai fermé les yeux.
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